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Article écrit par Flavie Widmaier, le 30 novembre 2019

Retour sur la visite de chantier d’une maison bois-paille du 09 novembre 2019

Le 09 novembre dernier s’est tenue une visite de chantier de maison en ossature bois et isolation bottes de paille à Chaponost. L’occasion d’échanger avec le maître d’ouvrage et de découvrir des techniques constructives utilisées par Emmanuel Deragne (entreprise ossature bois arbres, etc). Retour sur cette matinée. 

Au moment de la visite, l’ossature était montée. Le remplissage bottes de paille n’avait pas encore été réalisé – sauf sur un pan de mur ayant servi de support de formation sur chantier réel dans le cadre de la formation « Propaille » organisée par Oïkos.

Choix et provenance des principaux matériaux biosourcés utilisés :

Le bois : 24 m3 de bois d’oeuvre ont été nécessaires pour le montage de l’ossature. L’essence choisie est le douglas – origine Beaujolais, vallée de l’Azergues – scié à Cublize et récolté dans un rayon de 10 à 15km de la scierie.

Zoom sur un choix technique : le travail du douglas frais


Explication des choix de montage d’ossature

Dans un premier temps, Emmanuel Deragne précise que ce choix technique est basé sur sa connaissance du douglas – il ne tiendrait pas le même discours sur d’autres essences – et sa capacité à être facilement scié, vissé et cloué quand il est frais tandis que sec il est beaucoup plus dur et difficile à utiliser. Dans la littérature, c’est le travail du bois sec qui est prôné. Cette règle est particulièrement adaptée aux entreprises qui font de la préfabrication car les murs sont réalisés en ateliers puis livrés sur chantier. La maison est alors généralement montée et fermée en 3 jours. Dans ce cas, si de l’humidité est encore présente dans le bois, le fait que la maison soit fermée ne permet effectivement pas au bois de sécher.

Ici, la majeure partie du bois d’ossature utilisé sur le chantier est livré frais avec un taux d’humidité relative situé entre 20 et 35%. Mais la temporalité du chantier de montage d’ossature est beaucoup plus longue : du 05 août au 26 septembre. Ainsi, le bois frais a eu le temps de sécher sur chantier grâce à une ventilation continuelle. Le 10 septembre, un contrôle à l’aide d’un humidimètre a permis de vérifier que le bois était sec. L’objectif de la norme a donc été atteint en phase chantier.

La paille : les bottes de paille proviennent de l’exploitation agricole du maître d’ouvrage et ont donc été moissonnées dans les champs à proximité de la construction. Au total, ce sont 350 bottes qui sont utilisées pour les murs et 180 pour le plancher de combles.

Où et quand trouver des bottes si vous n’êtes pas du secteur agricole : en anticipant votre chantier, vous pouvez réserver un certain nombre de bottes à un agriculteur sur la prochaine moisson. Vous avez également la possibilité de contacter des fournisseurs de bottes de paille.

Des questions ont été posées sur le critère de choix de la paille entre exploitations conventionnelles et biologiques. A cette interrogation, deux éléments de réponse ont été apportés :

Panneau semi-rigide à base de paille de riz : utilisé sur le chantier de manière plus résiduelle, ce produit a été mobilisé pour tous les petits remplissages avec découpe mais également pour l’isolation thermique et phonique sous plancher intermédiaire. Cet isolant valorise un « déchet de l’agriculture » produit en Camargue : la paille de riz, qui n’est pas utilisée en élevage et dont le compostage est trop lent (du fait de la charge importante en silice). L’entreprise qui façonne ces panneaux souples est quant à elle basée dans l’Ain.

Un process d’ossature adapté à l’autoconstruction :

L’objectif est de tout pouvoir faire seul, avec des outils portatifs et donc des méthodes simples basées sur le multipli. Le bois arrive de la scierie, est coupé sur le tas puis les plis sont assemblés sur la dalle à l’endroit où les modules vont être levés. Il n’y a pas de système de collage qui nécessiterait un travail d’usine avec un process maîtrisé. Ici, tout est cloué et vissé.

L’enjeu est donc de créer une grosse caisse ultra raide de manière à résister aux contraintes météorologiques (vent, risque sismique, poids de la neige…). Les caissons sont fabriqués à plats puis levés, c’est une fabrication d’éléments pièce par pièce. Chaque plancher d’étage forme un couvercle, on retravaille ensuite de la même manière sur le plancher d’étage et on fabrique ainsi des boîtes qui s’empilent les unes sur les autres. Il n’y a pas de bois qui file de bas en haut et c’est ce qui permet de construire sur chantier sans grue ni engins de manutention.


Le deuxième étage de la maison (trappe d’accès aux combles visible)

Vous souhaitez vous lancer dans un projet de construction de maison bois-paille et réaliser une partie en autoconstruction? La partie la plus propice à l’autoconstruction accompagnée est le remplissage de l’ossature avec des bottes de paille. Vous pouvez en revanche faire appel à un professionnel pour la partie structurelle ossature bois ainsi que sur la partie enduits intérieurs qui présente un enjeu de confort pour votre bâtiment. Oïkos propose également des formations courtes à destination des autoconstructeurs sur ces différentes thématiques.

La botte de paille comme matériau de construction : quelques rappels

Il est important de rappeler que la botte de paille sortie du champs n’est pas directement considérée comme un matériau de construction. Pour le devenir, on doit lui faire passer un certain nombre de tests (poids, taille, taux d’humidité relative) afin de déterminer sa masse volumique. Il faut également prêter attention à sa forme générale. Les règles professionnelles de la construction paille détaillent ainsi les valeurs minimales à atteindre et les autres conditions permettant d’utiliser une botte de paille comme isolant en remplissage d’une ossature bois.

Si la botteleuse ne permet pas d’obtenir la bonne densité de botte, il va falloir la transformer sur chantier, la reformater à l’aide d’un compacteur pour obtenir la densité souhaitée. De même, au delà des densités, une botte de paille va subir plusieurs manutentions du champs au chantier. Ces différentes étapes vont déformer la botte, ce qui nécessite là aussi un travail sur la botte pour la reformater, reficeler etc. Il faut donc garder à l’esprit que pour garantir une enveloppe performante, il faut soigner le remplissage de l’ossature et donc la botte venue du champs qui nécessite généralement une transformation sur chantier.


Compacteurs de bottes de paille (emprunt possible pour les adhérents d’Oïkos)

Des questions ont été posées sur le risque incendie et sur la présence de rongeurs dans ces constructions. Il s’agit effectivement de craintes récurrentes associées à l’utilisation de ce matériau.

Dans les deux cas, la seule phase présentant un potentiel risque est la phase chantier. En effet, le travail de la botte de paille induit une quantité importante de « brindilles » fortement inflammables, il est donc important de nettoyer le chantier et d’évacuer ces débris régulièrement. En ce qui concerne les rongeurs, s’il devait y avoir un passage ce serait également durant la phase chantier, quand la paille n’est pas recouverte et qu’il reste donc des interstices entre deux bottes de paille.

Performance de l’enveloppe : étanchéité à l’air, renouvellement d’air, migration de vapeur d’eau et chauffage

Afin d’assurer un confort de l’habitat été comme hiver, l’un des enjeux d’une construction ossature bois isolation paille est de garantir une bonne étanchéité à l’air tout en permettant une migration de la vapeur d’eau. Ainsi, on travaille sur des parois et des matériaux qui ont ces caractéristiques. Exemple du pare-pluie : on choisit ici un produit étanche à l’eau liquide mais ouvert à la vapeur d’eau.

Les enjeux d’étanchéité et points complexes se trouvent surtout dans les liaisons (entre deux étages par exemple). Il y a donc un traitement de points singuliers à soigner, notamment à l’aide de membranes permettant d’assurer une continuité d’étanchéité. La bonne réalisation de l’enduit conditionne également ce résultat.

Pour assurer l’évacuation de l’air vicié, c’est ici une ventilation mécanique simple flux qui est choisie. Il est prévu de pouvoir régler l’utilisation de cette ventilation en fonction des usages (NB : il ne s’agit pas d’une ventilation hygrovariable).
Pour les entrées d’air, une pièce est installée sous les fenêtres avant la pose des menuiseries. Elle pourra être percée au besoin en fonction du test d’étanchéité à l’air : l’idée étant qu’il n’est pas nécessaire de trop percer si il y a déjà des trous dans la paroi. On ne touche donc pas aux menuiseries triple vitrage mais on a la possibilité de percer ailleurs et de générer une entrée d’air maîtrisée.

L’objectif est d’obtenir une maison peu consommatrice par le soin apporté à l’enveloppe. Sans chercher la labellisation passive, on tend vers des consommations qui se rapprochent du passif. Dans cette maison, il n’est pas prévu de système de chauffage central. Une réservation a été prévue pour l’installation d’un poêle à bois. L’objectif est, à terme, d’installer un poêle de masse pour obtenir une diffusion très douce de chaleur.

Le chantier se poursuit donc, une seconde visite pourrait être organisée au printemps prochain. Si vous avez des questions sur ce chantier ou si vous avez un projet similaire, vous pouvez nous contacter ou contacter directement Emmanuel Deragne, membre du réseau Oïkos


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