Rencontres sur la qualité de l’air : Oïkos fait le point sur les dernières recherches scientifiques
La pollution de l’air est responsable de 7 millions de décès par an selon l’Organisation Mondiale de la Santé, dont 48 000 en France. Face au rôle du secteur du bâtiment dans les émissions de CO2 et face aux enjeux de qualité de l’air intérieur, Oïkos s’est saisi de cette question sanitaire et environnementale.
C’est dans cette optique que nous étions présents aux Rencontres scientifiques sur le sujet, le 17 octobre dernier, organisées par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES).
Ce sont 15 projets de recherche regroupés autour de 4 sessions thématiques qui ont été présentées :
Session 1 : Sources de polluants et mesure de l’exposition
Session 2 : Science pour l’expertise collective
Session 3 : Polluants de l’air : effets sur la santé et impact sociétal
Session 4 : Des solutions et des moyens de lutte
Zoom sur quelques projets présentés
Impact du renouvellement des appareils domestiques de chauffage au bois sur les émissions atmosphériques de particules et sur la qualité de l’air intérieur (étude réalisée dans la Vallée de l’Arve) – Projets CARVE et QAI-Arve
La Vallée de l’Arve est fortement touché par la pollution de l’air. En 2017, Oïkos était intervenu pour former des animateurs du territoire à l’éducation autour de la qualité de l’air, notamment via la distribution de notre outil Dépollul’Air.
Cette étude visait à renouveler les appareils domestiques de chauffage au bois, source importante de pollution sur ce territoire, et à en observer les effets en intérieur et au niveau atmosphérique. Résultats ? Une baisse significative des émissions de particules dans l’air extérieur : 57% de moins pour le remplacement par un appareil à bûches, 44% pour un appareil à granulés. A cela s’ajoute une hausse conséquente des rendements énergétiques permettant des gains financiers importants et une baisse accrue des émissions polluantes.
Au niveau de la qualité de l’air intérieur, ce sont les Composés Organiques Volatiles (COV, type benzène, toluène, xylènes, naphtalènes) et des aldhéydes (formaldéhyde, hexanal, benzaldéhyde, etc.) qui ont été mesurés. Si les résultats globaux s’avèrent positifs, quelques indicateurs s’avèrent problématiques. Les émissions de hexanal notables ont été repérés sur les nouveaux appareils à granules, sans impact sanitaire repéré.
Qualité de l’air intérieur des logements contaminés par les moisissures : indicateurs de l’exposition humaine et gestion de l’habitat dégradé – Projet MOLD’AIR
On estime que 14 à 20% des habitats européens sont en proie à des problèmes de moisissures. Alors que nous passons près de 90% de notre temps dans des espaces clos, les pathologies liées à l’humidité et au développement fongique ont de lourdes conséquences sanitaires et sur la dégradation du bâti.
Cette étude Mold’Air, entre terrain et laboratoire, vise à décrire l’exposition aux contaminants biologiques aériens, dits bio-aérosols, dans des habitats dégradées par les moisissures et à en saisir les conséquences sanitaires sur les résidents. Les résultats de cette enquête ont mis en évidence la présence récurrente de certaines espèces fongiques, type Aspergillus versicolor, Penicillium chrysogenum, ce qui pourrait être utilisé comme indicateur de contamination de l’air intérieur. Des relations ont également pu être établies entre l’exposition à ces moisissures et certaines manifestations respiratoires et cutanées mentionnées par les résidents.
Utilisation de codes-barres pour évaluer les expositions aux produits de nettoyage et de désinfection à domicile, à l’hôpital et en crèches – Etude de faisabilité et projets en cours – Projets COBANET et CRESPINET
Des études épidémiologiques ont montré que le lien entre l’exposition aux produits de nettoyage et le risque d’apparition de l’asthme, notamment chez les femmes et les jeunes enfants. Néanmoins, des données manquent pour identifier les composés spécifiques en cause, dans les expositions domestiques et professionnelles.
A partir de codes-barres, ce projet visait à estimer les expositions professionnelles (chez des personnels hospitaliers) et domestiques aux produits de nettoyage et de désinfection. Pour les produits utilisés à l’hôpital, c’est une base de données de 799 produits qui a été recensés, et 2350 pour ceux utilisés à domicile. La mise en place de cet outil, via une application smartphone, a permis de mettre en évidence la facilité et la rapidité d’utilisation ainsi que la possibilité d’évaluer précisément les expositions aux différentes substances.
D’autres études sont en cours, notamment un projet de thèse, autour de l’impact des produits ménagers sur la santé respiratoire des jeunes enfants.
Impact de la phase chantier sur la qualité de l’air intérieur : identification de solutions pratiques – Projet ICHAQAI
Les activités du secteur du bâtiment font partie des sources de pollution de l’air, notamment pour ce qui est de l’émission de poussières, de particules fines et de certaines composés organiques volatils (COV). Le projet ICHAQAI (Impact de la phase CHAntier sur la Qualité de l’Air Intérieur) est né de la mise en évidence de difficultés à assurer une qualité de l’air satisfaisante à livraison des ouvrages.
A partir de mesures effectuées en phase chantier hors d’eau et hors d’air, c’est à dire sur des bâtiments clos, des facteurs spécifiques ont pu être identifiés. Les tests d’hygrométrie et de biomasse dans l’air ont mis en évidence un risque de développement fongique accru en phase chantier, particulièrement sur le neuf. L’émission de COV a pu être rattaché à l’utilisation de produits secondaires comme des peintures sur des supports spécifiques ou des produits de nettoyage. Des prélèvements dans les réseaux aérauliques ont montré le risque de refoulement de poussières contaminées pendant la phase d’utilisation du bâtiment dans le cas de systèmes de ventilation insufflant de l’air neuf.
Plus généralement, c’est la question de l’étanchéité à l’air du bâtiment dans le cadre de chantiers où le système de ventilation n’est pas encore opérationnel qui a été soulevé ainsi que l’exposition des matériaux aux intempéries et à l’humidité. Suite à cette étude, des outils ont été mis en place par l’Agence Qualité Construction afin d’aider les professionnels du bâtiment et les entreprises à améliorer leurs pratiques : la plaquette de sensibilisation « penser la qualité de l’air intérieur en phase chantier » et un guide méthodologique à destination des professionnels.
Confort des usagers des bâtiments tertiaires par l’usage de techniques de traitement de l’air – Projet CUBAIR
Ce projet avait pour objectif de développer des techniques d’épuration de l’air. Après des tests en laboratoire et des préconisations pour la mise en oeuvre, un prototype a été conçu en conditions réelles. Ce prototype contenait trois techniques : l’adsorption par un filtre à charbon actif, la filtration et l’oxydation photocatalytique. Avant d’être insufflé dans une salle, l’air extérieur passe par une centrale de traitement de l’air qui permet une filtration mécanique de plus grosses particules puis est dirigé dans le prototype grâce à un ventilateur. Les résultats obtenus ont mis en évidence une efficacité variable selon les polluants : des abattements ont été observés pour le dioxyde d’azote (NO2), pour les particules PM1 et certains COV mais aussi l’apparition d’autres composés secondaires parfois plus nocifs ont été montrés (formaldéhyde ou pentanal notamment).
Si ces recherches éclairent sur les techniques de traitement de l’air, elles soulignent aussi que la solution la plus efficace reste de réduire les sources à l’origine de la pollution et la mise en oeuvre de plans d’action visant à limiter l’exposition.